L’Âge Ataraxique
Aussi loin que l’on s’en souvienne, les terres de Drakerion n’étaient à l’origine parcourues que par les peuples anciens que sont les Elfes et les Nains. Les différences qui opposent ces derniers les poussèrent à plusieurs conflits ouverts durant des siècles. La paix s’installa cependant de manière totalement opportune avec l’arrivée d’un troisième peuple : les Humains. Venant du Nord et du Sud, ils s’installèrent dans les plaines inoccupées, ou dans les cités elfiques abandonnées. Ce nouvel arrivant fascina les aînés. Leur espérance de vie si courte ne les empêchait pas de créer, d’accomplir des exploits et de lier des alliances avec leurs nouveaux protecteurs. Car là où il y aurait pu y avoir de nombreuses sources de conflits, tout fut entériné dès le départ par les ambassadeurs des anciens peuples. Et ils accompagnèrent les Humains dans leur développement, évitant nombre de guerres et de catastrophes. En quelques siècles, une harmonie totale s’installa et la vie put prospérer sans aucun nuage à l’horizon.
Les Elfes comptaient sept cités grandioses disséminées à travers le continent, toutes dans des lieux difficiles d’accès. Les Nains eux, régnaient sur cinq cités puissamment fortifiées dans les montagnes de ce monde. Les Humains s’installèrent partout où leurs alliés n’étaient pas, fondant de petits et grands royaumes. Loin au Nord, l’isolée Kartej, au Sud, l’immense cité portuaire d’Hellios, à l’Ouest le royaume verdoyant d’Alania, et à l’Est la plus puissante de toute : Lokmar. Mais c’est au cœur des terres que l’on retrouvait le plus de diversités et de villes de différentes tailles, allant de la cité-état à un vaste royaume fédéré. Chacun développant ses propres particularités. Visiter la Fiore pouvait vous donner envie de ne plus jamais la quitter, tandis que parcourir les rues de Gil Estel vous donnait la force de croire que vous pouviez changer le monde.
Les conflits frontaliers se réglaient par quelques escarmouches et des accords diplomatiques intelligents. Rares étaient les gens malheureux, et les dirigeants compétents s’assuraient de la bonne évolution de leurs cités et de leurs royaumes. Les Elfes et les Nains ne prirent jamais partie dans ces affrontements. Mais ils agissaient en tant que médiateurs et conseillers.
Constamment encadrée, la civilisation humaine se développait sans tomber dans des travers qui auraient pu contraindre son évolution. Les Elfes sont totalement fascinés par les émotions humaines. Bien qu’eux–mêmes en ressentent, elles sont incomparables avec la joie de vivre, l’amour ou bien même la haine et toute chose ressentie par les Humains. Le beau peuple se lia d’une amitié très profonde avec ces derniers, à la longueur de vie insignifiante pour eux, et bien que très pragmatique, voir des amis mourir si facilement les attrista. La capacité des Humains à s’adapter, à apprendre, à créer, poussa les Elfes à leur enseigner les arts arcaniques, communément appelé la Magie. La longévité des Elfes et leur patience devant les siècles qui les attendaient leur permettent d’apprendre petit à petit, de perfectionner leur art, et d’utiliser plusieurs domaines. L’Humain pressé par le peu d’années qu’il a à vivre se retrouva vite envieux, avec une soif qui ne pouvait être étanchée, de tout maîtriser. Les plus talentueux, les plus sérieux, arrivaient avant de mourir à maîtriser un domaine de la magie avant de s’éteindre. Mais ces cas étaient rares et la soif de pouvoir de leurs élèves, convainquirent les Elfes d’arrêter leurs enseignements. Les champs de la Mort et de la guérison devenaient obsédantes pour les Mages nouvellement formés, des domaines peu exploités par les Elfes n’en ayant que rarement besoin. Même abandonnés par leurs enseignants, ils continuèrent à former les générations suivantes. Sans l’encadrement des sages Elfes, ils allèrent sur des chemins encore inexplorés par leurs Maîtres, mais même ainsi, ils n’égalèrent jamais ceux qui leur avaient tout appris.
Ce n’est pas le seul don que reçut l’Humanité. Les Nains sont d’incroyables ingénieurs. S’ ils ne servent pas de la Magie, ils ont des connaissances séculaires dans la construction et l’exploitation des ressources qui les entourent. Nombreuses cités humaines reçurent l’aide de ce fier peuple dans leur construction. Si elles n’atteignirent jamais l’esthétique des domaines elfiques ou la solidité et praticité des naines, elles furent toutes plus rapidement bâties.Des bribes d’ingénierie aussi qui accéléra la faculté de l’Homme à contrôler ce qui l’entoure. Et enfin, ils aidèrent aussi les Humains à parfaire leur science de la forge et de l’orfèvrerie, comme un père maladroit qui ferait à la place de son enfant par peur qu’il échoue.
L’âge de la Déliquescence
Fort de ces nouvelles connaissances et de leur inventivité, cela poussa les Humains à créer des artefacts pour augmenter leurs capacités, principalement motivés par le fait d’avoir une trop courte vie. En alliant un type de pierre extraite par les nains qui leur avait été offerte par le passé, et un dérivé de sortilège elfique sur les objets, ces Mages dépassèrent toutes les capacités qu’ils pouvaient espérer atteindre. Alors jusqu’ici obligés d’utiliser un catalyseur pour lancer un sort, ils pouvaient à présent s’en passer. Plus besoin de s’appuyer sur un élément, plus besoin de parler ou de signer. Ces médaillons de pouvoir transcendent l’utilisateur, permettant à l’esprit créatif des Humains d’altérer la réalité. Ces bijoux de pouvoir, le plus souvent des médaillons leur permirent de rendre les terres plus fertiles, de se déplacer d’un lieu à un autre en un battement de cil. Presque tous les déterminismes physiques étaient abolis. Contourner les règles strictes de la nature jusqu’ici paraissait impossible, et pourtant maintenant cela l’était, d’un claquement de doigt. Même le ciel pouvait changer face à un pratiquant magique puissant. Tout ceci avait pourtant un coût. Et bientôt tous allaient s’en rendre compte, sans pouvoir rien y faire.
La prospérité des royaumes Humains fut telle que même parmi les Elfes et les Nains, la convoitise et l’envie jaillirent subitement, créant des dissensions entre eux mais aussi en leur sein respectif. La méfiance envers l’Humain a remplacé pour beaucoup l’envie de le protéger. De longs débats eurent lieu dans les hauts conseils des peuples anciens. Fallait-il laisser ces êtres si jeunes poursuivre ? Allaient-ils s’arrêter là ? Et n’était-il pas logique de profiter en retour de ces médaillons, puisque cela était grâce à leurs enseignements qu’ils en étaient arrivés là ?
Le doute s’installa, mais surtout les désaccords en interne se firent trop nombreux. Les Elfes d’habitude si calmes et si prompts à la discussion prenaient les armes les uns contre les autres, tantôt alliés aux Humains, tantôt contre eux. Cela eut pour effet d’affaiblir drastiquement ces puissantes cités millénaires, les forçant à stopper la guerre au risque de s’annihiler eux-mêmes. Les Nains se terrèrent dans leurs montagnes, bloquant l’accès aux pierres qui servaient à façonner les Médaillons qu’ils avaient pourtant aidé à concevoir. En l’espace de quelques décades, les royaumes avaient rayé tout ce qui avait été construit dans la paix depuis des siècles. Meurtres, rancunes, viols, pillages, envie, jalousie, luxure, le monde devenait fou. Ce qui n’était rien comparé à ce qui allait suivre.
Car de l’autre côté d’un voile fin, des entités aux sombres desseins n’attendaient qu’une chose : pouvoir se rendre dans le monde matériel. Des démons oubliés, enfermés, bloqués, coincés et frustrés de voir ce monde se développer en harmonie préparaient leur retour. D’abord, ils s’appuyèrent sur l’esprit curieux des Humains. Leur donnant l’envie. Puis la soif de pouvoir, toujours depuis la dimension où ils se trouvaient. Mais quand l’Humain créa les Médaillons de Pouvoir, le voile de la réalité se déchira. Ces objets utilisés en trop grand nombre contrecarrent la Magie elle-même, n’étant plus appelée, ni signée, mais soumise. La Magie se sentit attirée par cette dimension démoniaque où de sombres dieux attendaient leur heure. Après les pensées insufflées. Après avoir réussi à changer le cœur et l’âme des êtres vivants de l’autre côté, il y eut suffisamment de souffrances et de désespoir pour se matérialiser.
La domination des royaumes humains sur Drakerion se fit ressentir. Aucun conflit ouvert avec les Elfes ou les Nains n’eut lieu pour autant, ces vénérables peuples s’étant repliés sur eux-mêmes. Lokmar, le plus puissant royaume humain, joua de son influence militaire pour calmer les différentes factions ayant des soifs expansionnistes. L’influence de cette prodigieuse cité s’étendit sur l’ensemble des terres, économiquement, culturellement, et était en passe d’unifier le peuple humain.
L’âge de la Chute
Bien que Lokmar était le royaume souverain du continent, une triste nouvelle abattit son dirigeant.Le Roi sage et avisé contenait tous les problèmes avec sa science de la diplomatie et ses idées progressistes. La Reine, aimée de tous, trépassa à la suite d’une maladie fulgurante.La lignée était assurée, ne menaçant pas l’équilibre du royaume. Mais la tristesse qui gagnait le peuple n’était rien comparée à celle qui rongeait le cœur et l’esprit de son époux. Ravagé par le deuil, il s’y refusa et convoqua ses Mages.Il leur ordonna de s’unir pour faire revenir sa défunte épouse parmi les vivants.La folie le prit et l’emporta, enfermant quiconque s’y opposait.
Cependant, aussi puissants soient les Médaillons de Pouvoir, cela était chose impossible. La réalité se déchira plusieurs fois sous les prouesses des pratiquants magiques. C’est là qu’une brèche s’ouvrit. Une créature démoniaque apparut dans la salle du trône, lieu où le rituel se déroulait, sous les yeux ébahis de la noblesse réunie. Un premier démon s’engouffra.Sa chair était rouge, pareille à du feu, une odeur de soufre emplit l’air, et une aura terrifiante s’empara de la salle. Devant cette apparition horrifique et sous les ordres du roi, les mages déchaînèrent leurs pouvoirs, fracturant encore plus la réalité et agrandissant le portail d’où des milliers de créatures maléfiques semblables à la première jaillirent.
Le plus grand royaume humain et de tout Drakerion chuta en une journée.
L’invasion fut si rapide, profitant de venir de l’intérieur, qu’elle ne laissa aucun survivant au sein même de la cité. Les villageois extérieurs à la Cité ne le savaient pas, mais la déchirure de la réalité provoquée dans la salle du trône, empli le ciel de nuages sombres et menaçants. Une porte entre deux mondes était ouverte. Des messagers furent envoyés vers les seigneurs vassaux. Ils n’eurent pas le temps de se réunir que leurs armées pathétiques furent submergés par des hordes de démons rugissant, massacrant tout être qu’ils croisent. Un moment de répit fut accordé au peuple de Lokmar, car de manière surprenante, la horde se dirigea vers le Sud, et la cité portuaire de Hellios.
Prévenus qu’une armée monstrueuse se dirigeait vers eux, les stratèges de la cité rassembla son armée sur ses remparts, profitant que chaque homme était un réserviste militaire. Femmes et enfants furent montés sur des navires. Personne n’en réchappa ce jour-là. Pas même par la mer.
Les seigneurs locaux qu’ils soient Elfes, Nains ou Humains, tous ceux qui avaient survécu ou n’avaient pas encore été touchés, allèrent quérir de l’aide partout où ils pensaient avoir encore des alliés, nouveaux ou anciens. Devant cet ennemi commun, s’unir ou non n’était pas un choix. Tout à l’Ouest du continent, au plus loin du front, se trouvait Tyraslin, un royaume prospère sous le protectorat d’Alania, C’est là-bas que fut accueilli le flux de réfugiés qui inondaient les routes. Avec l’aide des Nains, ils érigèrent d’immenses murailles dès la frontière du royaume en quelques semaines, aidés des mages qui n’étaient pas au front. La progression démoniaque gagnait du terrain petit à petit, comme une force tranquille qui savait qu’elle y arriverait, que rien ne pressait. Elle était désordonnée et chaotique et pourtant s’attaquait au point stratégique des résistants. Les cités elfiques et naines furent leurs objectifs principaux, contraignant même certaines à être abandonnées. Le réseau de tunnel reliant les différentes places-fortes naines furent prise d’assaut, et contraint les Nains à écrouler ces passages séculaires. Les royaumes humains tombèrent un par un, n’ayant qu’à peine le temps d’organiser leurs défenses, habituellement dépendant de l’armée de Lokmar aujourd’hui réduit à néant. Quand l’invasion arriva sur Gil Estel, son conseil des anciens vota pour détacher une partie de leur cité et s’envolèrent, ne prenant que quelques serviteurs. Cette trahison auprès du peuple avait été jugée nécessaire. Cet acte perçut par certains comme de la trahison lorsque la horde démoniaque fut en vue de Tyraslin qu’il se produisit quelque chose d’imprévisible. Peu nombreux, blessés, les éclaireurs rapportèrent que la horde démoniaque était en train de rebrousser chemin.
Par le Nord-Ouest, depuis le bosquet elfique du Printemps, le cœur de Lokmar pouvait être menacé. Une coalition des différents royaumes tenta une percée vers la cité tombée. Trois des quatre cités elfiques encore debout envoyèrent la totalité de ses forces restantes. Les Nains envoyèrent leur peuple vers le Mont Khairn, mais tous les volontaires partirent vers le champ de batailles pour prêter mains-fortes à leurs anciens alliés. Les Mages de Gil Estel réveillèrent des dragons pour attaquer l’ennemi depuis le ciel. Les restes des armées humaines furent rassemblées et menèrent la charge depuis l’Ouest. La plus grande armée que le sol de Drakerion avait connu, réussit une percée. Mais très vite, l’Ost démoniaque qui revenait de l’Ouest prit en étau cette force combinée. Devant tant de terreurs et sans aucune chance de vaincre, les Nains se sacrifèrent pour permettre une retraite aux autres. Retraite qui ne fut possible que grâce à l’arrivée d’une armée en provenance de Kartej, au Nord. La cité lointaine avait été oubliée de tous. Mais cette armée n’était pas comme les autres. Ses troupes étaient entièrement composées de squelettes marchant. Sans cette intervention, la totalité de la coalition aurait été détruite.
Qui plus est, lors de cette bataille fatidique, des dissensions eurent lieu dans le camp des alliés. Tous se renvoyaient la balle, se reprochant d’être intervenus trop tard, de s’être servi des autres pour se sauvegarder. Plutôt que de rentrer dans une union sacrée, personne ne repartit du champ de bataille victorieux ou en ayant confiance avec son allié d’hier qui allait devenir son ennemi de demain.
Beaucoup s’étaient persuadés qu’ils reprendraient la Cité. D’autres que tout était perdu. Mais la plupart espéraient surtout laisser assez de temps aux leurs, ceux qui étaient dans les colonnes de réfugiés de rejoindre Tyraslin et ses murs. Sans l’intervention inattendue de la cité franche de Kartej et de ses guerriers infatigables, le destin des Royaumes aurait été rapidement scellé. Si l’invasion et l’extension furent endigués, les pertes furent colossales, le sauvetage héroïque tournant au sacrifice qui ne fait que retarder l’inévitable.
Ce moment de grande souffrance et de désespoir fut appelé la Chute. Le monde était à jamais blessé. Et rien n’indique qu’il pourrait guérir de ce mal un jour. Même dix années plus tard.
L’âge présent
Dix années se sont écoulées depuis la Chute. Tyraslin a cessé d’accueillir tous les réfugiés. Elle a terminé ses murs, et s’est renfermée sur elle-même. Gil Estel continue de voler dans le ciel. La magocratie cherche par tous les moyens à sauver le monde. Kartej est protégée par une armée infatigable de morts-vivants, et nombre d’Humains sont partis vers cette citée pour trouver refuge. Les Elfes se sont séparés sur les trois derniers bosquets, et en sont devenus les gardiens tandis que les Nains protègent le Mont Khairn sans espérer un monde meilleur. Les anciens royaumes des Humains, des Elfes et des Nains se nomment le Wasteland, des régions où des communautés essaient de se reconstituer, s’écroulant aussi vite qu’elles se dressent. Quant à Lokmar, elle s’appelle toujours ainsi. Un nom qui est resté, les démons n’en ayant pas. L’invasion fut contenue mais personne ne s’est risqué à reprendre ces terres, des Humains ayant même rejoint l’ennemi. Durant une décennie, ils ne gagnèrent pas de terrain, mais le ciel s’assombrit de nouveau vers l’ancienne cité majestueuse, et une nouvelle vague approche.
Le pire était à venir. En laissant leurs cités sans défense, les Elfes ne retrouvèrent que des ruines. Gil-Estel subit des pertes colossales qui les poussèrent à s’éloigner de la surface terrestre. Et Tyraslin commença à pourrir de l’intérieur. Les réfugiés puis les soldats et mages revenant du front étaient jugés corrompus de l’intérieur. Un signe distinctif entraîna une chasse à la sorcière : des yeux rouges. Jugés imprégnés d’un pouvoir magique démoniaque, ces nouveaux parias décuplèrent leurs capacités physiques. Les Médaillons de Pouvoir ont été soit perdus, soit mis sous protection. Il aura fallu du temps aux différents royaumes pour comprendre que l’utilisation de la magie devait être proscrite, en particuliers en utilisation de masse de ces artefacts.
Les Elfes ont été les premiers a arrêter tout type de magie qui ne répondait pas aux magies élémentaires de terre, de vent et d’eau. Ils se sont réunis autour de trois bosquets sacrés. Des clairières où les énergies de la nature ne sont pas encore souillées. Simple défenseurs et serviteurs, ils ont abandonné plus ou mois leur vie civilisée pour une vie de gardiens sylvestres. Trois castes égales, chacune liée à lieu sacré qu’ils protègent. Un certaine inimitié et défiance les opposent, mais ils n’en viennent que rarement à un rapport de force. Certaines castes aimeraient voir disparaître toute forme d’alliance avec les humains. D’autres aimeraient qu’un Roi ou une Reine réunisse de nouveau le peuple elfique. D’autres ne souhaitent que protéger les derniers vestiges des forces de la Nature.
Combattant les émotions négatives qui les habitaient, ils ont cependant un terrible sentiment de condescendance envers les Humains, les jugeant ridicules et surtout entièrement responsables de la chute. Par nécessité pour défendre les derniers havres de paix où ils se rendent. Certains partent encore à l’aventure en quête désespérée de trouver une solution à la situation chaotique qui ne semble pas pouvoir connaître de fin.
Le Royaume de Tyraslin s’est terré derrière trois lignes de murailles et remparts et n’accepte plus depuis longtemps tous les réfugiés. Aussi par nécessité de s’allier aux Elfes qui défendent le territoire au-delà de leurs murs, ils arrêtèrent la pratique des arcanes, mais n’empêcha pas la fin de cette alliance éphemère. Pour se rassurer, ils cherchèrent une protection dans la religion. Alors qu’un vaste panthéon parcourait les Royaumes, ils ne gardèrent que quelques divinités, en particuliers le dieu de la Justice, réinterprétant les écritures. La science est encore présente, en particuliers chez les guerriers qui sortent en dehors des murs.
Ce que l’on appelle aujourd’hui les Terres Désolées sont les vestiges des anciennes cités et royaumes. La population humaine y est encore importante bien que divisée. Des seigneurs locaux essaient de maintenir un semblant d’organisation au sein de villes et villages qui ne dépassent pas la centaine d’habitants. Une bonne partie sont des réfugiés qui n’ont pas pu atteindre Tyraslin ou ont été refoulés de là-bas. De grandes bandes armées s’étaient réunies à la chute, errant sur les territoires, cherchant une terre d’asile. Aujourd’hui elles existent toujours. Ce sont des compagnies de mercenaires composées d’Humains en majorité, mais aussi parfois de quelques Elfes, même de Nains, se louant aux plus offrants pour leur assurer un sentiment de protection. L’on peut en trouver qui ont muté, rejetés de tout part. Mais les Terres Désolées comptent aussi sur les Possédés, ceux aux yeux rouges, capables d’exploits en tout genre ; ils se sont réunis en une sorte de confrérie non-officielle, parfois solitaire, parfois en groupe, parcourant les Terres Désolées pour protéger ce qui reste à défendre.
Gil Estel continue son vol. Ses mages étudient la géographie qui s’est vue être modifiée par le déchirement de la réalité. Plusieurs fois, ils ont eu des altercations avec de potentiels alliés, entre autre pour récupérer des Médaillons de Pouvoir, nécessaire au bon fonctionnement de leur magocratie. Les quelques dragons encore vivants et éveillés qui se reposent dans les grottes de ce rocher géant ne peuvent être totalement contrôlés qu’à ce prix. Les désaccords au sein même de Gil Estel sont nombreux. Les mages ont différents groupes qui s’opposent, et les décisions sont souvent influencées par des manigances ou chantages.
La sinistre Kartej existe toujours. Bien que proche de Lokmar, elle n’a toujours pas chuté. Et cela, elle le doit à un terrible pacte. Si cette petite cité qui a joué un rôle important alors que tout le monde l’avait déjà condamnée, est désormais une des dernières puissances de ce monde, c’est parce qu’elle a juré allégeance à des Strigoïs, des créatures immortelles aux grands pouvoirs se repentant de sang. Quand la chute arriva, ces âmes damnées sortirent de l’ombre, bien décidées à ne pas voir son bétail disparaître. Ils peuvent aussi aujourd’hui compter sur les mages de Gil-Estel qui ne furent pas acceptés sur la cité volante. Ces parias se tournèrent assez rapidement vers Kartej pour trouver refuge et proposer leurs services. Mais si ils avaient été refusés sur la cité volante, c’est parce qu’ils n’avaient jamais arrêté leur quête d’immortalité et leurs expériences interdites. Découvrant les Strigoïs, ils rêvèrent de nouveau d’immortalité. Le pacte fut simple. Ils devaient user de nécromancie malgré les risques que cela représentait et commander les armées de non-morts, alors ils pourraient vivre, aussi longtemps que leur mission serait accomplie. Si ils refusaient, ils serviraient de repas.
Contrairement aux idées reçues, la population de Kartej est là de son plein gré. Si la situation n’est pas idéale, que les remparts ne sont pas bien hauts, l’armée des non-morts vaut toutes les défenses. Et seuls les Strigoïs peuvent apporter cette protection. « Mieux vaut le baiser du seigneur protecteur que la lame d’un démon » dit-on là-bas.
La cité de Lokmar, épicentre de la présence démoniaque est totalement abandonnée de toutes races intelligentes libres, si la liberté existe encore. Y rentrer est chose impossible. Il faudrait contourner plusieurs strates d’armées. Et si par miracle, un aventurier pourrait y arriver physiquement, il faudrait que son esprit survive aux horreurs qu’il croiserait.
Devant cette fatalité, des Humains changèrent de camp, et se rallièrent à ces sombres puissances, se constituant en une secte d’adorateurs. Du simple paysan au puissant guerrier. Une première ligne qui leur permet d’avoir des espions, de corrompre de l’intérieur, qui a cependant des limites, l’âme étant petit à petit dévorée sans espoir de retour, modifiant parfois aussi des parties physiques du corps.
Et quand bien même des Humains n’avaient pas trahi les leurs, les armées de démons sont complètes et chaotiquement bien organisées. Les séides de premières zones constituent la masse, à l’apparence guerrière et terrifiante, dirigés par des chefs encore plus terribles qu’eux. D’autres castes existent, comme d’étranges succubes. Chaque défaut, chaque noirceur d’âme a sa personnification dans le monde matériel. Et enfin, plus haut dans la hiérarchie, des Archidémons siègent sur les trônes des seigneurs tombés au combat. Ce qui est inquiétant, car il est difficile d’imaginer quel être encore plus puissant peut trôner seul à Lokmar.
L’inimitié entre les différentes factions et la présence dans le cœur des royaumes des forces néfastes qui ont changé la face du monde ne permet pas d’espérer une once d’avenir. La population est devenue majoritairement égoïste et immorale, comme un condamné à mort qui se moquerait bien de ses actes jusqu’à l’arrivée du bourreau. Parfois, quelques héros se dressent, connaissant généralement une fin tragique. Si les frontières de Lokmar n’évoluent plus, le mal se retrouve dans les autres royaumes par d’autres biais. Quelque soit le chemin choisit, il sera périlleux et sombre.